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Il est une constante en matière de réparation des préjudices subis par un agent du fait de son éviction irrégulière du service : il est généralement déçu sur le plan financier quand bien même il obtient gain de cause devant le juge administratif. Le juge administratif n’est pas le conseil de prud’hommes…
L’arrêté analysé, s’il se focalise sur le versement ou non de l’indemnité compensatrice de logement en cas d’éviction irrégulière du service, est l’occasion de revenir sur la marche à suivre pour chiffrer le préjudice subi par cet agent.
L’agent public évincé irrégulièrement du service a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre.
Le principe de réparation du préjudice né d’un licenciement irrégulier est, dans sa forme la plus récente, posé par l’arrêt du Conseil d’Etat « Commune d’Ajaccio » du 6 décembre 2013 (req. n° 365155).
Sont indemnisables, en application de cet arrêt, les préjudices de toute nature – pertes de traitement, préjudice moral, certaines pertes de primes et d’indemnités etc. – avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité (1). Sur ce fondement, tout préjudice doit être dûment établi par l’agent.
Dans ce cadre, « l’indemnité compensatrice de logement » figure-t-elle au nombre des éléments indemnisables ? (2) L’arrêt du 24 avril 2024, rendu sur conclusions contraires de son Rapporteur public sur ce point, nous apporte une réponse.
Enfin, dans une approche pragmatique, le juge administratif réduit le montant de l’indemnité globale ainsi calculée pour la période d’éviction du service de toute rémunération ou allocation perçue pendant cette période (3).
« Pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions » pose le Conseil d’Etat dans son arrêt précité Commune d’Ajaccio.
Ce faisant, l’administration doit verser à l’agent les traitements non perçus et dus de la date de licenciement illicite jusqu’à la date d’annulation, voire à celle de réintégration effective. Rappelons que l’annulation contentieuse d’un licenciement emporte la réintégration rétroactive de l’agent à compter de la décision prononçant cette éviction, en vertu du principe selon lequel une décision annulée est réputée n’être jamais intervenue. C’est cette période qui sera indemnisée, pour l’essentiel. Le préjudice moral de l’agent, certes, est indemnisable. Mais il ne dépassera guère les quelques milliers d’euros, dans les situations les plus favorables.
Relevons que l’administration doit également reconstituer tous les droits sociaux de l’agent pour la période considérée d’éviction irrégulière en prenant à sa charge le versement non seulement de la part patronale, mais aussi de la part salariale.
Cette indemnité spécifique est servie aux fonctionnaires de direction des établissements publics de santé lorsqu’ils ne bénéficient pas de logements par nécessité absolue de service. Elle tend à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, à leurs conditions d’exercice et à leurs contraintes.
Dans une tentative d’élargissement des primes et autre indemnités versées au titre de la jurisprudence précitée Commune d’Ajaccio, le Rapporteur public proposait de ne plus exclure du champ de la réparation du préjudice que les frais et charges qui sont eux-mêmes induits effectivement par l’exercice des fonctions mais non ceux qui ne le sont que potentiellement. En d’autres termes, une prime ou indemnité attachée davantage à l’emploi qu’à l’exercice des fonctions devrait appeler réparation selon le Rapporteur public. Rapporté à l’indemnité compensatrice de logement, « il ne s’agit donc pas ici de compenser un service effectif, mais simplement de rémunérer une contrainte générale susceptible de peser sur le personnel de direction en raison de sa qualité ».
Le raisonnement se tenait.
Pour autant, le Conseil d’Etat ne l’a pas retenu. S’appuyant sans doute pour partie sur la « distinction (…) subtile » mise en exergue par le rapporteur public qu’elle pourrait en pratique impliquer dans l’instruction des demandes indemnitaires, le Conseil d’Etat valide l’arrêt de la Cour administrative d’appel et rejette le pourvoi.
Partant, l’indemnité compensatrice de logement n’entre pas dans le champ des préjudices dont un agent irrégulièrement évincé peut obtenir réparation.
Si l’agent doit être indemnisé intégralement du préjudice qu’il a subi du fait de son éviction irrégulière, il ne doit être indemnisé que de son préjudice. De ce fait, le préjudice réellement subi s’entend comme correspondant à la différence entre la rémunération que l’agent aurait perçue s’il était resté en poste et celle qu’il a effectivement perçu durant cette période.
Aussi, non seulement l’Aide au retour à l’emploi vient en déduction de l’indemnité globale, mais encore, toute autre rémunération ou indemnité, de quelque nature qu’elle soit, est prise en compte.
De sorte qu’à l’issue de cette analyse menée par le juge administratif, le préjudice indemnisé peut être nul ou quasi nul.