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C’est la solution retenue par la Chambre sociale dans un arrêt en date du 7 février 2024 (Cass. Soc., 7 février 2024, N°22-20.258), en ces termes :
« Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions visées par l’article L. 1251-40, le salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière, y compris lorsqu’il a conclu avec l’entreprise de travail temporaire un contrat à durée indéterminée intérimaire.
(…)
Nonobstant l’existence d’un contrat à durée indéterminée intérimaire, la rupture des relations contractuelles à l’expiration d’une mission à l’initiative de l’entreprise utilisatrice s’analyse, si le contrat est requalifié à son égard en contrat à durée indéterminée, en un licenciement qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture ».
Dans cette affaire, une salariée avait conclu avec une entreprise de travail temporaire, un Contrat à durée indéterminée intérimaire (CDII), institué par la loi du 17 août 2015.
Aux termes de ce CDII, la salariée était donc embauchée et rémunérée par l’entreprise de travail temporaire, qui l’a mis à disposition de plusieurs entreprises utilisatrices dans le cadre de missions successives.
Cette salariée avait notamment été mise à disposition d’une entreprise utilisatrice en qualité d’opératrice entre 2016 et 2019.
Lorsque cette entreprise a cessé de lui fournir du travail en mai 2019, la salariée a saisi la juridiction prud’hommale le 26 septembre 2019 afin d’obtenir la requalification de ses missions d’intérim en contrat à durée indéterminée à son encontre, et de contester la rupture de la relation de travail ainsi intervenue, avant d’être licenciée le 26 novembre 2019 par l’entreprise de travail temporaire.
Sa demande de requalification a été accueillie par la Cour d’appel de Grenoble, laquelle a estimé que les dispositions légales relatives au CDII n’excluaient pas la requalification auprès de l’entreprise utilisatrice, notamment lorsque les conditions de recours au travail temporaire n’ont pas été respectées.
Cette appréciation a été vivement contestée par l’entreprise utilisatrice, laquelle s’est pourvue en cassation, faisant valoir d’une part le fait qu’un salarié intérimaire ne pouvait être lié, pour une même prestation, par deux Contrats à durée indéterminée distincts, et d’autre part, le fait qu’une telle requalification avait pour effet de permettre à la salariée d’obtenir une double indemnité ainsi que des dommages et intérêts, à la fois auprès de l’entreprise de travail temporaire, et de l’entreprise utilisatrice, pour rupture dénuée de cause réelle et sérieuse, à raison des mêmes missions effectuées au sein de l’entreprise utilisatrice.
La Cour de cassation a toutefois donné raison à la Cour d’appel, qui pour requalifier les missions en contrat à durée indéterminée de droit commun à l’égard de l’entreprise utilisatrice, a retenu que ces missions avaient eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de celle-ci.
Elle a également validé la position de la Cour d’appel, qui, en conséquence de cette requalification, a estimé que la rupture des relations contractuelles à l’expiration d’une mission, à l’initiative de l’entreprise utilisatrice, s’analysait en un licenciement, au titre duquel la salariée pouvait prétendre à des indemnités de rupture.
En l’espèce, il a en effet été retenu, tant par la Cour d’appel, que par la Cour de cassation, que la procédure de licenciement n’avait pas été respectée et que le licenciement été privé de cause réelle et sérieuse.
L’entreprise utilisatrice a donc été condamnée, in fine, à verser à la salariée une indemnité compensatrice de congés payés et de préavis, au titre des congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité de licenciement et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une décision sévère, qui aboutit en effet à permettre à un salarié d’obtenir une indemnisation au titre de la rupture de son contrat de travail, tant auprès de l’entreprise de travail temporaire, que de l’entreprise utilisatrice, la Cour de cassation ayant en effet retenu que l’objet des contrats n’était pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes, après la fin d’une mission au sein de l’entreprise utilisatrice.
Les entreprises utilisatrices devront donc désormais avoir en tête que le Contrat à durée indéterminée intérimaire conclu avec une entreprise d’intérim n’est pas incompatible avec une éventuelle requalification en Contrat à durée indéterminée à leur encontre, le salarié pouvant effectivement faire valoir ses droits contre les deux entreprises.