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Mis en cause, dans le cadre d’une enquête préliminaire, pour trafic de stupéfiants, un individu se trouve renvoyé devant un Tribunal Correctionnel puis condamné en appel pour violences aggravées, infraction à la législation sur les stupéfiants, détention sans justificatif de marchandises dangereuses pour la santé, en état de récidive, refus d’obtempérer et délit de fuite.
Outre la peine d’emprisonnement de sept années prononcées par la Cour d’Appel de MONPTELLIER, l’individu a été condamné à une amende douanière de 616.860 €.
Il est vrai que dans le cadre de la perquisition réalisée dans un box mis à la disposition du prévenu, les enquêteurs ont trouvé des quantités importantes de produits stupéfiants.
Reste que la question de la régularité de cette perquisition a été contestée devant la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de MONPTELLIER compte tenu du fait qu’elle a été autorisée, par le parquet, en l’absence du mis en cause au regard du « risque d’évasion que le comportement » de l’individu pouvait « légitimement laisser craindre » ; précisons que la perquisition a été réalisée en présence de deux témoins.
La Chambre de l’instruction a rejeté la demande de nullité en estimant que l’autorisation de perquisition donnée par le Procureur de la République s’inscrit « nécessairement dans le cadre des dispositions de l’article 706-94 du code de procédure », la Haute Juridiction a été saisie de la question.
Elle a considéré que la nullité soulevée était parfaitement fondée, que le recours à une perquisition en l’absence du prévenu était irrégulière car non motivée et, tirant les conséquences de sa position, a annulé la déclaration de culpabilité relative au trafic de stupéfiants et à la détention de marchandises dangereuses, les peines prononcées à ce titre et l’amende douanière.
Dans le cadre de son arrêt, la chambre criminelle rappelle d’abord que la réalisation d’une perquisition en l’absence de la personne intéressée, si elle est bien prévue par les dispositions prévues à l’article 706-94 du code de procédure pénale, constitue d’abord et avant tout une dérogation au principe énoncé par l’article 57 du même code aux termes duquel :
– « Sous réserve des articles 56-1 à 56-5 et du respect du secret professionnel et des droits de la défense mentionné à l’article 56, les opérations prescrites par ledit article sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu.
En cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire aura l’obligation de l’inviter à désigner un représentant de son choix ; à défaut, l’officier de police judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son autorité administrative ».
C’est en 2004, via la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, que le législateur a prévu, pour les procédures ouvertes en répression d’une certaine catégorie d’infraction, mêlant entre autres les infractions commises en bande organisée et celles relatives au trafic de produits stupéfiants, la possibilité d’organiser des perquisitions en l’absence du propriétaire des lieux lorsque celui-ci est placé en garde à vue ou en détention.
L’article 706-94 du code de procédure pénale prévoit ainsi que :
– « Lorsque, au cours d’une enquête de flagrance ou d’une instruction relative à l’une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73, la personne au domicile de laquelle est faite une perquisition est en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité en raison des risques graves soit de troubles à l’ordre public ou d’évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l’accord préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction, en présence de deux témoins requis dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 57, ou d’un représentant désigné par celui dont le domicile est en cause ».
Reste que l’usage de cet article est limité aux seules situations dans lesquelles le transport du mis en place doit être évité en raison du « risque graves » de troubles à l’ordre public, d’évasion ou de disparition de preuves.
Dit autrement, le recours à cette possibilité doit être impérativement motivé, soit par le magistrat qui l’autorise, soit par l’enquêteur qui la sollicite, avec mention des « circonstances de nature à justifier le recours à ces modalités dérogatoires ».
Au cas d’espèce, la Cour de Cassation constate que le parquet s’est borné à autoriser la perquisition en l’absence de l’individu au seul motif que le comportement de celui-ci pouvant légitimement laisser craindre une évasion.
La Chambre de l’Instruction s’est seulement limitée à constater que le motif avancé par le parquet, à savoir le risque d’évasion, est prévu par les dispositions de l’article 706-94 du code de procédure pénale pour considérer que la demande de nullité devait être rejetée.
C’est là que le bât blesse pour la chambre criminelle qui considère finalement que la décision n’est pas factuellement motivée, que l’existence d’un risque grave n’est pas explicitée et que le recours à cet outil dérogatoire n’était pas motivé.
Certes le texte ne subordonne pas l’usage des pouvoirs prévus à l’article 706-94 du code de procédure à l’établissement préalable d’un écrit motivé ; reste que, dans le cadre d’une circulaire de 2004, le Ministre de la Justice a rappelé que :
– « Bien que la loi n’impose pas que l’accord délivré par le magistrat soit motivé, celui-ci devra être établi par écrit, les textes précités étant visés, et les éléments rendant leur application indispensable mentionnés. L’accord sera versé par les enquêteurs à la procédure. Il ne pourra ainsi être recouru à cette procédure que lorsqu’il n’apparaîtra pas possible au regard des éléments précités de procéder différemment ».
L’arrêt est intéressant en ce qu’il vient tout d’abord rappeler le caractère hautement dérogatoire de la possibilité prévue à l’article 706-94 du code de procédure ; la lecture de la circulaire de 2004 permet de s’assurer que telle était également la volonté de l’exécutif.
En conséquence, il apparait nécessaire de pouvoir vérifier les raisons pour lesquelles le recours à cette dérogation a été autorisé.
Plus largement, la position de la Chambre criminelle, qui s’est prononcée pour la première fois ici sur la question de savoir si les perquisitions en l’absence du propriétaire mis en cause doivent être motivées, s’inscrit dans un courant classique qu’elle a eu l’occasion de rappeler précédemment notamment au sujet des perquisitions de nuits :
– « 7. Il résulte de ces textes que l’autorisation donnée par le juge d’instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une perquisition dans un lieu d’habitation en dehors des heures légales doit comporter les motifs propres à justifier cette atteinte à la vie privée dans une ordonnance écrite et motivée, faute desquels aucun contrôle réel et effectif de la mesure ne peut avoir lieu, ce qui cause nécessairement un grief à la personne concernée (Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 15-81.731, Bull. crim. 2015, n° 174).
8. Il en découle qu’est nulle l’autorisation verbale donnée par ce magistrat, même suivie, après la réalisation de l’acte, de la formalisation d’une ordonnance écrite et motivée (Crim., 13 septembre 2022, pourvoi n° 21-87.452, publié au Bulletin) ».
L’existence de procédures dérogatoires, prévues pour répondre plus efficacement à la criminalité organisée, ne signifie donc pas qu’il n’existe aucune règle de procédure de nature à protéger le respect des droits de la défense.
Il n’était pas inintéressant de le rappeler.