Fiscalité actuelle de l’abandon de créance chez le créancier qui le consent
En l’état actuel de la Loi fiscale, les conditions permettant à un bailleur de consentir ou supporter, en franchise d’impôt, un abandon de loyer au profit du locataire sont strictes.
- Prenons le cas d’un bailleur, personne physique imposable dans la catégorie des revenus fonciers. Un abandon de loyer l’aurait conduit à devoir reconnaître, en théorie, les loyers auxquels il a renoncé en tant que recettes brutes imposables en revenu foncier, sauf à pouvoir démontrer de graves difficultés de trésorerie rencontrées par le locataire. Cet intérêt économique n’est toutefois que rarement reconnu par les juges (l’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 3 octobre 2019 n°18PA00243 en est un nouvel exemple récent).
- Dans le cas d’une société commerciale bailleresse, soumise à l’impôt sur les sociétés, ce sont les règles complexes relatives aux abandons de créances qui trouvent application.
Sans prétendre à l’exhaustivité, les critères de déductibilité de la perte résultant d’un abandon de créance dans cette situation peuvent être résumés ainsi :
- l’abandon est qualifié d’abandon à caractère commercial, et est consenti ou supporté en faveur d’un débiteur sous le coup d’une procédure collective (sauvegarde ou redressement) : déductibilité fiscale systématique.
Cela nécessite tout de même de démontrer le caractère commercial de l’abandon, c’est-à-dire qu’il doit trouver son origine dans les relations d’affaires préexistantes entre deux entreprises et qu’il soit consenti notamment pour maintenir des débouchés ou préserver des sources d’approvisionnement.
- En dehors de ce cas, un abandon de créance doit nécessairement correspondre à un acte normal de gestion. La société qui l’octroie doit en retirer une contrepartie, dans son intérêt propre. En complément à cette condition nécessaire :
- L’abandon qui répondra à la qualification de commercial sera déductible ;
- L’abandon financier (par opposition à commercial), qui permet d’assainir une situation financière, d’éviter un dépôt de bilan, de sauvegarder le renom de la société qui octroi l’abandon ;
- n’est en principe pas déductible ;
- sauf en cas de procédures collectives du débiteur, mais la perte déductible fiscalement est alors limitée.
Régime fiscal envisagé dans le cadre d’un abandon de loyer
Le Projet de loi de finances rectificative permettrait aux bailleurs de s’affranchir de ces conditions strictes afin d’assurer la déduction fiscale de la perte résultant des abandons de créances de loyer et accessoires consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 juillet 2021, sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un quelconque intérêt et sans limite de montant.
Ces abandons ne porteraient pas atteinte à la déductibilité des charges du bailleur, telles les charges de propriété ou encore les intérêts d’emprunt.
Qu’est -il prévu pour le locataire ?
A ce stade des discussions, le projet étend temporairement et uniquement au profit des locataires personnes morales soumis à l’impôt sur les sociétés, disposant de déficits reportables en avant, la possibilité d’augmenter le plafond d’imputation des déficits fiscaux (fixé actuellement à 1 million d’euros) à hauteur du montant des abandons de créances de loyer. Cette mesure ne visait jusqu’à présent que les sociétés objet de procédures de prévention des difficultés avalisées par le Tribunal de Commerce (mandat ad hoc, conciliation) ou procédures collectives.
Les évolutions du texte sont à suivre avec attention dans les jours qui viennent.