L’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit plusieurs dispositifs permettant de tenir compte des difficultés d’exécution affectant les contrats de la commande publique.
Ces dispositions s’appliquent nonobstant toute stipulation contraire. Elles viennent ainsi déroger aux stipulations prévues par les parties, notamment dans leur Cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et dans les différents cahiers des clauses administratives générales (CCAG).
1. Une prolongation des délais d’exécution… Sur demande du titulaire
Lorsque que le titulaire d’un contrat public est tenu par un délai d’exécution qu’il ne peut respecter sans supporter des charges manifestement excessives, ce délai est reporté jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, augmenté d'une durée de deux mois.
Afin d’éviter des effets d’aubaine de la part de certains opérateurs, il appartient toutefois au titulaire de demander le bénéfice d’une telle disposition avant l’expiration du délai contractuel qu’il était tenu de respecter.
Faute pour celui-ci de respecter un tel formalisme, le bénéfice d’une telle disposition pourra lui être refusé par l’acheteur public.
2. Eviter des sanctions du titulaire et les ruptures d’approvisionnement de l’acheteur
Lorsque le titulaire d’un contrat public ne peut exécuter tout ou partie d’un contrat ou d’un bon de commande, il ne peut être sanctionné par l’acheteur, par l’application de pénalités contractuelles ou par l’engagement de sa responsabilité contractuelle.
Là encore, il appartient à l’opérateur économique de démontrer que les circonstances font obstacle à ce qu’il puisse exécuter ses obligations, notamment en démontrant qu'il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive
Afin que l’acheteur puisse continuer à bénéficier des prestations nécessaires à ses activités, l’article 6.2°.b de l’ordonnance du 25 mars 2020 lui permet de conclure un marché de substitution auprès d’un autre opérateur, y compris si le marché initial réserve une exclusivité au bénéfice de son titulaire.
Ce marché de substitution ne peut naturellement pas être conclu aux frais et risques du titulaire initial du marché. Parallèlement, le titulaire du marché initial ne pourra prétendre à la rémunération des prestations réalisées par un tiers.
3. L’état d’urgence sanitaire, un « fait du prince » source de responsabilité de l’administration
Si l’état d’urgence sanitaire conduit l’administration à résilier un marché ou à annuler un bon de commande, l’ordonnance prévoit expressément que le titulaire peut être indemnisé des dépenses qu’il a engagées spécifiquement pour l’exécution de contrat.
Il appartiendra là encore au titulaire de justifier de l’étendue de son préjudice et d’en demander l’indemnisation à l’administration cocontractante.
4. La suspension des marchés à forfait
La crise sanitaire actuelle a conduit nombre de maîtres d’ouvrages à suspendre l’exécution de marchés, tout particulièrement en matière de travaux publics.
L’ordonnance 6.4° de l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit que lorsque l’acheteur suspend l’exécution d’un marché à prix forfaitaire, il doit procéder au règlement des prestations déjà exécutées.
La conclusion d’un avenant sera ensuite rendue nécessaire pour tenir compte des modifications intervenues, et décider des suites à donner à son exécution : reprise du marché, résiliation, indemnisation éventuelle du titulaire, restitution des sommes versées par l’acheteur à titre d’avance, etc.
5. La suspension et la modification des contrats de concession
Dans la situation où un contrat de concession doit être suspendu par l’acheteur, l’article 6.5° de l’ordonnance du 25 mars 2020 prescrit également la suspension de toute somme devant être versée par le concessionnaire au concédant.
Tel pourra par exemple être le cas des redevances domaniales devant être versées par le concessionnaire à l’autorité concédante.
En cas d’important besoin de trésorerie pour le concessionnaire, est également prévue la possibilité pour l’autorité concédante de lui verser une avance sur les sommes qui lui sont dues.
Un tel dispositif a ainsi vocation à s’appliquer aux concessions dans lesquelles est prévue le versement de subventions au profit du titulaire.
Dans l’hypothèse où le contrat de concession n’est pas suspendu mais que ses conditions d’exécution sont significativement modifiées, le concessionnaire peut prétendre au versement d’une indemnité destinée à compenser les surcoûts mis à sa charge, lorsque la poursuite de l’exécution de la concession nécessite de mettre en œuvre des moyens non prévus au contrat initial et qui représentent une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire.
Il appartiendra également dans cette hypothèse au titulaire de justifier de l’étendue de son préjudice dans une telle situation.